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Les ateliers d’élèves conteurs

Atelier conte et transmission orale dans le cadre scolaire 


• La découverte : environ 3 heures
 

Les séances reposent sur la transmission orale en Europe * : écouter une fois des contes dits traditionnels (sans auteur.e.s), puis les redire, comme un souvenir, un film, un évènement, une lecture, un rêve....

* Les usages sont très différents dans d'autres régions du monde
 

Jeux de théâtre d'improvisation, et jeux littéraires adaptés à l’oral pour un entraînement :

- à l’improvisation parlée, au souvenir qui se passe du « par-cœur » et de l’écrit

- à l’imagination ancrée dans le réel, la constitution d’images mentales

- écoute, précision, voix, rythme, musicalité...
 

Nous alternons des moments physiques, dans l'espace, et des moments assis en cercle, deux par deux, ou seul.e.s. Des exercices peuvent être repris régulièrement en classe et faire l’objet d’une évaluation simple par les élèves eux-mêmes.
 

La prise de parole en public :

- Le partage de la parole en se remémorant une histoire permet aux élèves de raconter par groupes de 6 environ, en improvisation.

- Des enfants seuls disent avec leurs propres mots un récit entier devant les autres ; non pas de leur invention, mais toujours entendu (ou lu) auparavant. 

- Cette dimension spectaculaire engage à se faire comprendre ; une fois le récit commencé, il s'agit de le terminer, ce qui permet d'en dégager la structure, par cette tension vers la fin.
 

On s’expose, non pas pour se mettre soi-même en valeur, mais pour se mettre au service d’un récit cohérent. Ce travail nécessite la mise en œuvre de plusieurs compétences simultanément : être à la fois avec l’histoire, les autres qui racontent avec vous, et le public ; être entendu et compris ; voir des images mentales pour les donner à voir, sans fermer l'imaginaire d'autrui, par l'économie des mots ; construire son texte avec le corps, sa gestuelle. 
“Echecs ou réussites” doivent être vécus en expériences positives. Les élèves en position de spectateur.trice apprennent le travail critique, à l’aide de quelques critères simples.

 

Après les séances, quelques pistes :

- La transformation des histoires permet de créer des versions différentes en repérant la structure, les constantes et les variables.

- Retour éventuel à l’écrit.

- Travailler le répertoire : lire pour dire.

- Répéter, travailler les histoires de chacun.e.

- Retransmission des histoires et des jeux.


 

• L’atelier : environ 15 heures
 

Un travail préparatoire est déjà effectué (écoute d'autres conteur.trice.s, lectures, pratiques diverses spectateur.trice.s, et de théâtre). Il s’agit de systématiser les jeux décrits ci-dessus en "module découverte", et d’en proposer d’autres, pour faire exister les histoires : intériorisation, regards, sensations. Il s’agit aussi de comprendre la nécessité de répéter en réconciliant si besoin travail et plaisir.
 

Le but de cette démarche est d’avoir dans une classe ou un établissement, un maximum d’élèves en situation de retransmettre au moins un conte de tradition orale, seul.e.s ou à plusieurs, devant un public, avec sa propre écriture, corps et parole : devenir auteur.e de sa propre version.
 

Les élèves repèrent les passages de la fiction à la réalité en jouant avec les formules d’entrée et de sortie du conte, il.elle.s apprécient les mouvements propres au récit oral (listes, répétitions, chansons, ritournelles, rythmes, devinettes, toutes les relances de l’attention). Au delà des techniques du conte, il.elle.s apprécient les enjeux de la prise de parole en public.
 

En situation active d’écoute, il.elle.s intègrent une attitude positive, il.elle.s sont incité.e.s à dire ce qui peut aider l’autre : c’est l’histoire qu’on critique, pas la personne du conteur.trice. Il.elle.s apprennent la position de spectateur.trice.

En dehors des séances, on pourra pratiquer les jeux d’entraînement qui seront réinvestis pendant les répétitions. Continuer à travailler le répertoire : lire pour dire.

Répéter, travailler les histoires de chacun.e.
 

Pour finir, élargir le public pour la retransmission des histoires (ou des jeux effectués, car la nécessité d’expliquer une règle permet de mieux l’intégrer). Petites formes, ou formules plus “festives”, ouvertes : école et parents, bibliothèque, maison de quartier, actions intergénérationnelles.... et toutes autres idées à creuser ensemble, en fonction des contextes.

Les séances nécessitent un espace vide, calme et fermé.

Les modalités de la collaboration, de l’organisation, comme de l’évaluation sont à définir ensemble avec les enseignant.e.s et autres professions concernées.

Les collègues enseignant.e.s sont présent.e.s et peuvent participer activement. Des rencontres d’organisation et d’évaluation sont prévues.

Un conteur à l'école ?

Invité par l’Education Nationale à des rencontres écrivain.es – enseignant.e.s, je me suis posé une question : quelle est la place d’un conteur, tenant de l’oral et pourquoi pas illettré, parmi ces gens de l'écrit ?

Reconnaissance de la parole éphémère ? Ou considère-t-on le.la conteur.euse comme “producteur.trice” de récits attendus, du côté de la tradition, des racines, des contes de fées ? On s’est beaucoup penché sur la structure du conte merveilleux, peut-être au détriment d’autres formes, et on ignore souvent que ce qui est indispensable au conte, le merveilleux justement, est le moment où il est dit. Quoi qu’il en soit le.la conteur.euse a sa place parmi les écrivain.e.s:
- Il.elle est auteur.e à part entière de son récit même s’il.elle en a puisé la trame dans un patrimoine commun.
- L’écriture est une étape de son travail, même provisoire : le.la conteur.euse aujourd’hui reconnaît pleinement l’écrit et se nourrit de lectures, mais tente d’en éviter une survalorisation maladroite qui produit en fait de l’illettrisme. En retour, il.elle apporte à la littérature écrite les mouvements propres au récit oral, à l’instar des écritures créoles, Edouard Glissant...


"Le conte" n’existe qu’au moment du.de la conteur.euse, il abolit les distances, rapproche, il est incluant : il ne fabrique pas un objet reproductible, un produit, mais il est générateur d’événements; il se situe du côté du théâtre. C’est une parole juste en circonstance, concrète, vivante, dépouillée des artifices du moi et de l’image de marque. Le.la conteur.euse à voix nue s’adresse directement, en tant que personne et non pas personnage ; il.elle provoque une relation véritable. Un espace de liberté qui stupéfie de nos jours, quand on apprend plutôt à courir après des modèles inaccessibles que découvrir ses richesses propres. Il ne s’agit pas de faire joli mais d’être là.


L’écoute et l’attention
On est souvent surpris à l’heure du conte par la qualité d’écoute des enfants, et particulièrement des capacités de concentration chez certain.e.s réputé.e.s inattentif.ive.s : racontées au passé simple ou non, les histoires se vivent au présent. Dans le discours du.de la conteur.euse, pas de projection dans l’avenir comme dans la parole des enseignant.e.s qui “préparent à “..., ni de projection dans le passé puisque, même vieille comme le monde, l’histoire est revécue dans l’actualité du sujet qui écoute.
La force de l’histoire se situe dans les images, les sensations qu’elle fait surgir. L’histoire arrive, l’histoire est là. Et l’histoire est vraie, puisque c’est une vraie histoire.
Faire apparaître au milieu de l’assistance des objets imaginaires réels, que le.la conteur.euse évoque un arbre et que l’arbre “pousse”, procède plus de la co-naissance que d’un savoir dispersé. Cette attention qui a été un instant donnée, cette concentration, ce respect de l’autre, il s’agit ensuite pour le.la pédagogue, de les mettre en valeur, de les développer, de les faire se reproduire en d’autres circonstances.

Souvenir et mémoire
Reformuler oralement une histoire entendue (ou lue) une seule fois est un engagement de la personne entière. Le passage par les signes graphiques extérieurs au corps ferait obstacle : c’est le souvenir. L’enfant conteur.euse sait redire l’histoire avec ses propres mots ; il.elle est en capacité de réinvestir de la même manière ses leçons, de s’en approprier le texte : la fonction du souvenir l’aide à travailler sa mémoire. Mais l’oubli même est source de création, re-création, transformation de l’histoire. Le rêve raconté est un deuxième rêve différent du premier. Ainsi la tradition orale reste vivante.


Imaginaire? Expression de soi?
Le travail sur l’imaginaire que je propose n’est pas d’inventer à tout prix. Il est dans la capacité de se forger des images mentales. (Le.la conteur.euse voit pour que les mots viennent). La multiplicité des signes, des expériences dans l’environnement des enfants porte à confusion, encombrement ; et bien des “créations de récits” sont prématurées. Il faut d’abord nourrir les élèves en histoires. Leur goût pour la parole formulaire, les rituels d’entrée et de sortie du conte, les ritournelles, les randonnées, le plaisir de la répétition exacte des mots chez les petit.e.s, procède du besoin de fixer des repères dans ce foisonnement, d’une nécessité de l’inscription, de trouver ce qui fait écho dans son expérience propre. IL S’AGIT D’OEUVRER POUR UNE CONFIANCE EN SA PROPRE PAROLE, SA PROPRE VALEUR MÊME SI ELLE N’EST PAS “ORIGINALE”. Le produit fini (livre, cassette, spectacle) ne doit pas occulter l’exigence du travail en train ; que vive l’hésitation qui marque la recherche d’être compris, la formulation maladroite mais belle du désir qui la sous-tend !

Christian Tardif

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